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Osservatorio sui Balcani
Bulgarie : le paysage politique après la victoire de Parvanov
Traduit par Thomas Claus
Publié dans la presse : 31 octobre 2006
Mise en ligne : jeudi 2 novembre 2006
Sur la Toile
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Gueorgui Parvanov a décroché un second mandat présidentiel en Bulgarie. Le second tour confirme la crise des formations de la droite. Le candidat du parti extrémiste Ataka perd mais parvient à augmenter son score en nombre de voix. Ataka reste bien un élément non marginal de la scène politique bulgare.

Par Tanya Mangalakova

En Bulgarie, le président sortant, Gueorgui Parvanov, a décroché dimanche son second mandat. Il a obtenu 76% des voix lors de ce second tour, contre 24% pour son adversaire, Volen Siderov. Cette victoire de Gueorgui Parvanov se démarque par son résultat sans précédent dans l’histoire récente de la Bulgarie. Parvanov a obtenu entre 250.000 et 300.000 voix de plus qu’au premier tour. Volen Siderov a également augmenté son score, mais de 10.000 voix seulement. Gueorgui Parvanov a recueilli environ quatre fois plus de voix que son adversaire, lequel a néanmoins rassemblé derrière lui 600.000 électeurs, c’est-à-dire deux fois plus qu’au premier tour.

L’électorat du Parti Socialiste Bulgare (BSP) et celui du Mouvement pour les Droits et les Libertés (DPS), expression politique de la minorité turque de Bulgarie, ont voté comme un seul homme pour le président sortant. Dans leur soutien à Gueorgui Parvanov, les électorats de ces deux partis ont atteint des proportions dignes de l’époque communiste, avec 99% de soutien à leur candidat.

Les citoyens bulgares d’appartenance turque résidant aujourd’hui en Turquie ont également dépassé tous les records de participation. Au moins 50.000 d’entre eux sont venus voter pour le second tour. « Les émigrés turcs ont voté à plein régime », a commenté le quotidien Sega.

Gueorgui Parvanov l’a emporté avec ce que l’on appelait autrefois « un résultat bulgare ». Il faut dire qu’il affrontait un candidat totalement hors cadre, un homme qui, s’il avait été élu, aurait fait tout ce qu’il peut pour éliminer la Bulgarie de la carte des pays civilisés de l’Europe contemporaine. C’est en ces mots qu’un éditorialiste du quotidien Monitor a en effet décrit Volen Siderov.

La droite dans le creux de la vague

Les leaders de la droite ont chuté lourdement, entraînant avec eux leurs formations politiques, comme l’ont relevé cette semaine de nombreux quotidiens. Eliminés au premier tour, ils sont restés divisés sur la position à adopter lors du second tour. Ivan Kostov, leader des Démocrates pour une Bulgarie Forte, a décidé de rendre un bulletin nul, où étaient coché les noms des deux candidats. Petar Stoyanov, secrétaire de l’Union des Forces Démocratiques, n’est pas allé voter. Environ la moitié des électeurs de son parti n’a pas suivi son exemple, et s’est rendue aux urnes. Les votes de cet électorat se sont répartis selon une proportion de 60/40, en faveur de Parvanov. [...]

La participation au second tour a été encore plus faible qu’au premier tour : 41%. Stefan Danailov, ministre de la Culture et président du comité électoral pro-Parvanov, a déclaré que le vote devrait devenir obligatoire en Bulgarie, comme c’est le cas en Grèce. Gueorgui Parvanov s’est montré sceptique sur cette proposition.

Un autre sujet abordé lors de la conférence de presse de la soirée électorale a été la possibilité d’augmenter les pouvoirs présidentiels. Selon le quotidien « 24 Chassa », les citoyens bulgares voudraient une figure présidentielle plus forte, qui aurait le pouvoir d’organiser des référendums sur les thèmes les plus importants de la vie politique et nationale.

Pourquoi vote-t-on Ataka ?

Le choix des électeurs qui ont voté Ataka peut s’expliquer de trois manières : mécontentement social, insatisfaction politique et poussée nationaliste. C’est l’interprétation que livre dans Sega Eugenia Ivanova, de la New Bulgarian University. Elle se base sur une recherché réalisée dans les villes de Ruse, Nesebar et Zlatitza. Avant même que Volen Siderov ne lance sa campagne sur le thème des renationalisations les membres d’Ataka à Ruse exprimaient déjà leur inquiétude que la cité ne devienne « la première ville privatisée » de Bulgarie. [...]

Deux facteurs très intéressants se retrouvent dans l’analyse du succès d’Ataka : la peur et la volonté de trouver des ennemis. La majeure partie des électeurs d’Ataka provient de la classe moyenne, aussi bien sur le plan économique que sur celui du niveau d’éducation. Ce ne sont pas des marginaux mais les gens qui ont le plus peur de perdre ce qu’ils possèdent. Cette peur a plusieurs dimensions : peur de perdre le statut qu’ils ont acquis, peur de ne pas être en mesure de se requalifier dans le travail, peur de perdre leur prestige social.

On peut supposer qu’Ataka verra augmenter le nombre de ses supporters si le parti réussit à modérer le ton de son discours politique. Volen Siderov l’a d’ailleurs fait en partie pendant la campagne électorale. Mais si le ton du discours se radicalise à nouveau, Ataka court le risque de voir son électorat se tourner vers d’autres mouvements populistes. Ce sont les conclusions de la recherche d’Eugenia Ivanova.

Les élections locales en vue

Gueorgui Parvanov, premier président depuis 1989 à décrocher un second mandat, est le seul vainqueur de ces élections. Six cent mille Bulgares ont soutenu Volen Siderov, un résultat qui ne peut ni ne doit être sous-évalué. « Un an après les élections législatives, Ataka a doublé son nombre de voix », a souligné Volen Siderov lui-même. Il a poursuivi en définissant son parti comme un phénomène désormais enraciné sur la scène politique bulgare, et que personne ne pourra ignorer à l’avenir quand il faudra former des majorités et des gouvernements.

Après son succès aux élections législatives de l’an dernier, le parti avait connu des scandales et des divisions internes. S’il parvient à éviter de nouveaux déboires et à se présenter comme un parti acceptable, Ataka pourra peut-être jouer un rôle important aux élections locales, prévues pour 2007. On pourrait aussi assister à ce moment à l’arrivée stratégique d’un autre mouvement populiste encore à moitié inconnu, mais probablement plus fort : le mouvement GERB, dont le leader informel est l’actuel maire de Sofia Boyko Borisov.

 

 

 

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Le Courrier des Balkans
Présidentielles en Bulgarie : l’extrême-droite impose un second tour
De notre envoyé spécial à Sofia
Mise en ligne : lundi 23 octobre 2006

Le Président socialiste sortant Gueorgui Parvanov emporte largement le premier tour de la présidentielle bulgare (60%). Mais le faible taux de participation ne lui permet pas d’éviter un second tour face à Volen Siderov, le leader du parti Ataka (22%). La droite démocrate franchit à peine la barre des 10%.

Par Thomas Claus

Les Bulgares retourneront aux urnes dimanche prochain pour choisir entre Gueorgui Parvanov et Volen Siderov. Hier, seuls 42,51% des électeurs se sont mobilisés pour le premier tour des élections présidentielles. La Constitution demande l’organisation d’un second tour si la moitié des électeurs ne s’exprime pas.

Sans surprise, c’est le président sortant Gueorgui Parvanov qui arrive en tête de ce premier tour. Avec environ 60% des voix, le socialiste crée un record dans l’histoire électorale bulgare. A la seconde place, l’extrémiste Volen Siderov, leader du parti Ataka, se qualifie pour le second tour avec environ 22% des voix. Dernier candidat à agréger une masse critique, le candidat de la droite démocrate, Nedelcho Beronov, se contente de 10% des voix.

Dimanche soir, Gueorgui Parvanov a déclaré qu’il refuserait tout débat direct avec Volen Siderov. Il a ajouté que ce dernier constituait néanmoins le candidat le plus facile à battre dans un second tour, la seule véritable alternative étant selon lui incarnée par Nedelcho Beronov. Pourtant, on peut penser que Parvanov, et avec lui le parti socialiste, risquent de passer une semaine difficile. La victoire est presque assurée, mais la rhétorique « anti-tout » du populiste Volen Siderov pourra se concentrer jusqu’au week-end prochain sur une cible unique.

« La protestation de 2005 n’a pas été entendue »

De nombreux membres de la classe politique rappellent que le taux de participation des élections présidentielles de 2001 était encore plus bas. Il n’empêche : « le premier parti du pays, ce sont les abstentionnistes », ironise François Frison-Roche, chercheur au CNRS et spécialiste de la politique bulgare. « Le vote de protestation émis aux législatives de 2005 n’a pas été entendu. Et les effets sont importants : la droite disparaît presque sous les 10% alors que se profilent les premières élections européennes en Bulgarie. »

La déroute de la droite - et l’absence du Mouvement National Siméon II - réduit terriblement le spectre politique bulgare et fait la part belle au parti Ataka, après quinze ans de transition difficile.

Certains tentent de relativiser l’inquiétude suscitée par le succès de Volen Siderov, tel ce diplomate étranger. « La Bulgarie est encore en transition, tout comme la politique bulgare, explique-t-il. Il faut laisser au pays le temps d’acquérir une maturité démocratique. En attendant, le candidat le plus visible plaît forcément. Il faut garder ce contexte à l’esprit et ne pas lire la situation avec les modèles de l’extrême droite d’Europe occidentale, ou du duel Chirac - Le Pen. »

A deux mois de l’entrée du pays dans l’Union Européenne, le succès du candidat pro-européen et président sortant Gueorgui Parvanov montre une volonté de continuité de la part d’une majorité de Bulgares. Pourtant, l’effort causé par l’intégration est douloureux pour la société, ce qui a constitué l’un des fonds de commerce de Volen Siderov durant la campagne.

Deux questions restent en suspens : les électeurs se mobiliseront-ils au second tour, et pour qui voteront les électeurs de la droite démocrate ? Dimanche soir, leur candidat, Nedelcho Beronov, leur a conseillé de juger par eux-mêmes. En ce qui le concerne, il a annoncé son refus de mandater qui que ce soit : ni Volen Siderov, ni Gueorgui Parvanov.