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Spécial Monténégro

Elections présidentielles du 22/12/2002

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Comme en Serbie, l'abstention risque d'entraîner l'invalidation de la présidentielle organisée dans la petite république yougoslave du Monténégro, à la suite de la démission, le mois dernier, de Milo Djukanovic, qui a préféré s'adjuger le poste plus stratégique de Premier ministre.

Le vrai défi pour le principal candidat, l'ancien Premier ministre Filip Vujanovic, consistera à faire déplacer suffisamment d'électeurs aux urnes alors que les principales forces d'opposition, qui ne présenteront pas de candidat, ont appelé à boycotter le scrutin.

Aucun des dix autres candidats, tous issus de petits partis, parmi lesquels deux nationalistes, Ilija Darmanovic et Aleksandar Vasiljevic, un néo-communiste Obrad Markovic et un écologiste Dragan Hajdukovic, n'ont aucune chance de l'emporter, selon les sondages.

Si moins de la moitié des 456.981 électeurs votent dimanche, l'élection sera invalidée.

Actuel président du Parlement Filip Vujanovic appartient au Parti démocratique des socialistes (DPS) de Milo Djukanovic, une formation prônant à terme l'indépendance du Monténégro, qui a remporté les élections législatives d'octobre dernier avec 41 sièges contre 34 pour l'opposition.

Le président Milo Djukanovic, le plus populaire des deux hommes, a par la suite démissionné de son poste pour prendre la tête du gouvernement, un poste dont les prérogatives sont plus étendues, et laissé la place à Vujanovic qui a assuré l'intérim. Premier ministre désigné, Milo Djukanovic est en train de former son gouvernement qui doit bientôt être soumis à l'approbation du Parlement.

Le DPS fait face à la fois à l'opposition des partis pro-yougoslaves partisans d'un resserrement des liens avec la Serbie et de l'Alliance libérale, des indépendantistes radicaux. Ces derniers conscients de ne pouvoir remporter le scrutin ont appelé à le boycotter. Le DPS a négocié l'accord conclu en mars dernier sous l'égide de l'Union européenne qui substitue à la République fédérale de Yougoslavie (RFY), une union plus souple entre la Serbie et le Monténégro. Dans le cadre de cet accord, chacune des deux républiques pourra organiser au bout de trois ans un référendum sur l'indépendance.

Devant les risques d'une forte abstention, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la Coopération et la sécurité en Europe (OCDE) ont fait campagne pour exhorter les Monténégrins à aller voter.


Selon Branislav Radulovic, président de la Commission électorale, le président du Parlement monténégrin et ex-Premier ministre avait recueilli 83,9% des suffrages, son principal rival se contentant de 5,9% des voix.

La dernière élection présidentielle au Monténégro ayant été invalidée à cause d'une forte abstention, les autorités de la petite République yougoslave ont annoncé, le 24 décembre, qu'un nouveau scrutin serait organisé d'ici deux mois.


http://www.balkans.eu.org/article.php3?id_article=2043

REPORTER
Monténégro : l'opposition prend le pari risqué du boycott
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 3 décembre 2002
Mise en ligne : vendredi 6 décembre 2002

Sur la Toile

Si Filip Vujanovic réussit à obtenir 50 % plus une voix lors des élections présidentielles du 22 décembre, le bloc yougoslave n'aura plus de raison d'être sur la scène politique du Monténégro. La consigne de boycott pourrait bien se révéler suicidaire.

 

Par Zvezdana Kovac

La maturation de la conscience démocratique au Monténégro n'est toujours pas à l'ordre : de nombreux analystes avaient attendu que la coalition majoritaire soutienne un candidat hors parti, mais sans succès. Le parti Démocratique des socialistes (DPS) a présenté son candidat, Filip Vujanovic, alors que le parti socialiste populaire (SNP) a décidé de boycotter les élections.

La coalition gouvernementale n'a pas apporté son soutien à Ljubisa Stankovic, un éminent scientifique, autrefois dirigeant au Monténégro des Forces réformatrices de l'ancien Premier ministre fédéral Ante Markovic.

"Le réflexe de monopole est à l'évidence maintenu au DPS. En ce qui me concerne, je m'attendais à leur décision quoique, à mon avis, ce parti ne courrait pas un grand risque à soutenir un autre candidat", estime Srdjan Darmanovic, président du Centre pour la démocratie (CEDEM).

Quant à Ljubisa Stankovic, il ne manifeste aucun ressentiment : "Je suis étonné de l'immense soutien que m'a démontré l'opinion, étant donné que depuis longtemps, je ne participe plus à la vie politique du Monténégro. Je soutiens le candidat du DPS et ce choix ne m'a aucunement surpris".

Par ailleurs, le SNP n'a pas soutenu Miodrag Lekic, qui était le favori de ses deux partenaires de la coalition Ensemble pour les changements.

Pas d'homme nouveau en perspective

Lors du Congrès du parti, où l'on débattait entre autres de la confiance à accorder à Predrag Bulatovic, dix membres de ce parti ont été proposés comme candidats, alors que Branko Kostic a été rajouté comme antipode au candidat hors parti, Miodrag Lekic, d'orientation pro-européenne. Le congrès a aussi manifesté son soutien à Bulatovic en le proposant comme candidat. Cependant, il a décidé d'attendre pour voir qui serait son adversaire et il a ensuite estimé que Filip Vujanovic n'était pas un adversaire digne de lui.

"La décision de SNP de boycotter les élections signifie que ce parti n'avait pas une meilleure solution à proposer. Le boycott n'est pas une bonne politique et il ne peut qu'ajourner l'élection du président de quelques mois. Le problème du SNP réside dans sa base électorale assez conservatrice. C'est pourquoi le candidat hors parti Miodrag Lekic n'a pas été soutenu", analyse Srdjan Darmanovic.

Monténégrin de nationalité, yougoslave par choix, Miodrag Lekic avait des chances de rompre le monopole de la coalition gouvernante, car outre les électeurs orientés vers la coalition yougoslave, il aurait pu obtenir certaines voix parmi les électeurs de la coalition de Djukanovic, ceux qui ne ne sont pas décidés à aller jusqu'au bout pour l'indépendance du Monténégro. Srdjan Darmanovic ne croit pas à cette éventualité, et affirme que les blocs politiques restent très divisés, sans possibilité de grands transferts de voix d'un camp vers l'autre.

L'éventuelle rupture de la coalition yougoslave a été empêchée par Miodrag Lekic lui-mêm, qui a renoncé à la course présidentielle. Diplomate expérimenté, homme de principes - "un homme favorable à un Etat fédéral, avec la bénédiction de l'épiscopat monténégrin et le soutien de la communauté internationale", c'est ainsi que les représentants du parti Populaire serbe (SNS) avaient présenté leur candidat idéal -, il n'a pas voulu être un objet de discorde au sein d'une coalition yougoslave vacillante. Le parti le plus fort dans ce bloc, le SNP, après que son président ait refusé de se porter candidat, a donc décidé de ne soutenir aucune personnalité hors parti, de telle sorte qu'il a mis à l'épreuve ses partenaires politiques. Bozidar Bojovic, président du SNS déclare qu'il veut conserver l'unité de la coalition. Mais dans le même temps, Bojovic avoue qu'il ne comprend pas que le SNP ait choisi le boycott.

La fonction du Président de la République a en général un caractère protocolaire, mais des élections directes et l'influence sur la société lui confèrent une certaine autorité. De plus, dans les pays ayant une tradition démocratique non développée, tout sort toujours de la norme, de sorte que ces élections présidentielles seront plus qu'une simple élection pour le représentant de l'Etat.

Pressions de l'extérieur

Si Filip Vujanovic réussit à faire venir aux urnes 50 % des électeurs plus une voix, le bloc yougoslave n'a plus de raison d'être sur la scène politique du Monténégro. Organiser un boycott efficace est beaucoup plus difficile que gagner. Le SNP pourrait essuyer de sévères semonces en retour, quand la communauté internationale n'a déjà guère de sympathies pour ce parti. Selon certaines rumeurs, la récente visite de l'ambassadeur britannique Charles Crowford au Monténégro aurait été un prétexte pour suggérer au SNP de ne pas boycotter les élections. Quel sera le message que ce parti va donner à ses électeurs, comment va t-il expliquer son point de vue, tout en restant convaincant, il est difficile de l'imaginer. En même temps il a adressé aux électeurs de Serbie un message complètement différent, les appelant à choisir leur président. De toute façon les élections présidentielles sont arrivées au plus mauvais moment pour le SNP.

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