Paris, 29 septembre 1999

AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE -EXTRAIT-

La situation au Kosovo doit être appréhendée avec vigilance. La création du corps de protection qui a permis la dissolution de l'UCK a été acceptée comme un moindre mal. Pour éviter toute dérive, il faudra veiller au respect de certains principes : Le corps est placé sous l'autorité de la KFOR et de la MINUK et il est ouvert à toutes les minorités et pas seulement aux membres de l'UCK.

Depuis la fin du conflit, les Occidentaux s'interrogent sur la politique qu'il convient de mener à l'égard de la Serbie. Alors que les Etats-Unis étaient initialement contre toute forme d'aide tant que le régime de Milosevic se maintiendrait, les Européens ont fait prévaloir l'idée qu'on ne pouvait écarter l'aide humanitaire.

S'agissant de l'énergie, les Européens ont décidé pendant le conflit qu'il était exclu que les alliés réparent les dommages de guerre. Cependant, la France estime qu'une aide à la reconstruction des centrales et de la distribution d'électricité serait opportune. Il n'est pas assuré d'ailleurs que cette aide conforterait la position de Milosevic.

Les Quinze ont levé le boycott sportif mais n'ont pas voulu supprimer l'embargo aérien bien qu'il limite la capacité d'action de l'opposition serbe.

Le statu quo prévaut, également, s'agissant de la reconstruction des ponts sur le Danube alors que la situation pénalise aussi les pays riverains. Par ailleurs, il faut bien constater l'opposition en Serbie ne parvient ni à s'unir, ni à définir un programme.

L'aide d'urgence apportée à la Macédoine et à l'Albanie pendant le conflit a été massive et efficace. Elle a atteint un niveau sans équivalent dans ce type de crise. Aujourd'hui, l'aide à la Macédoine est sans réserves alors que celle à l'Albanie est conditionnée en raison des détournements et de l'attitude du gouvernement albanais qui n'a pas renoncé au projet de grande Albanie alors que ce dessein est, de plus en plus, contesté par les Kosovars.

L'engagement des Alliés était une décision difficile mais nécessaire. On ne peut considérer que les Balkans sont voués pour l'éternité à des querelles incessantes. Ils doivent, au contraire, être intégrés dans l'organisation globale de l'Europe. La Serbie doit être associée à ce projet mais on ne peut pour le moment la traiter comme les autres pays.

La multi-ethnicité du Kosovo résultera d'une construction patiente. Dans un premier temps, il s'agit de permettre la coexistence ethnique. La population serbe qui est restée au Kosovo peut être estimée à 90.000 personnes ; les chiffres de 30 à 40.000 qui ont été avancés sont inexacts car les Serbes, qui ont fui Pristina, sont à l'intérieur du Kosovo. Pour l'heure, la coopération inter-ethnique ne progresse pas.

La résolution 1244 prévoit la tenue d'élections au Kosovo mais ne précise aucun calendrier. Il n'est pas certain que l'UCK emporterait nécessairement ces élections. Si aucune perspective électorale n'est définie, il sera plus difficile de transformer l'UCK en parti politique mais la tenue d'élections suppose un important travail de terrain. Il serait sans doute opportun que des municipales puissent se tenir l’été prochain ce qui permettrait à toutes les formations et personnalités politiques de s'y préparer, notamment Ibrahim Rugova, qui observe un attentisme énigmatique.

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