Réunion des Ministres des Affaires étrangères du G8 sur la paix au Kosovo
Cologne, 8 juin 1999

POINT DE PRESSE DU MINISTRE, HUBERT VEDRINE, AVEC LES JOURNALISTES FRANCAIS

 

Je voudrais faire une première remarque. Je voudrais rappeler que depuis le début des frappes, période pendant laquelle nous avons été obligés de passer, la France a constamment dit que la solution à laquelle nous étions en train de travailler, la solution pour un Kosovo pacifique, devait venir s'inscrire le moment venu dans une résolution au sein du Conseil de sécurité. Nous avions été les tous premiers à dire cela et ça a été une constante de notre action politique et diplomatique des dernières semaines. Depuis le début nous avions également dit qu'il fallait que ce soit une résolution sous chapitre 7. Ce qui veut dire que nous avions à travailler avec nos partenaires, les autres membres du Conseil permanent de sécurité, que nous avions à discuter avec nos partenaires occidentaux, européens ou de l'Alliance, que nous avions à négocier avec nos partenaires russes et avec les Chinois mais que nous n'avions pas à négocier avec les responsables yougoslaves à qui il s'agit d'imposer le règlement qui a été finalement retenu.

On peut dire aujourd'hui que les choses se passent exactement comme la France l'avait demandé depuis le début, comme elle l'avait souhaité, comme elle y a travaillé sans discontinuer. C'est pour cela que je peux tout à fait reprendre à mon compte les expressions employées tout à l'heure par M. Joschka Fischer, qui a présidé notre réunion en tant que président actuel du G8 au niveau des ministres, et qui a parlé d'une percée décisive qui vient consolider cet élément très important récent, quand les autorités yougoslaves, le Président Milosevic et le Parlement ont accepté le document du Président Ahtisaari, en tout cas présenté par lui, qui, lui-même, reprenait d'une façon rigoureuse les cinq points et ensuite les conclusions du premier G8 ministériel qui s'était tenu pour trouver une solution politique à cette crise.

Encore aujourd'hui on peut dire que le projet de résolution, le texte de la résolution - il faut dire projet jusqu'au moment précis de son adoption - qui a été travaillé par nous hier toute la journée et encore ce matin, est strictement conforme à tous les principes dont nous avons dit depuis le début qu'ils devaient fonder une solution juste et durable pour le Kosovo. Voilà donc le résultat extrêmement important qui a été obtenu aujourd'hui. Nous sommes maintenant exactement sur la même ligne, les membres du G8, les Occidentaux et les Russes. Ce qui veut dire que mis à part des problèmes de procédure ou des problèmes techniques, j'ai bon espoir que la résolution soit formellement votée dans des délais très courts.

 

Q - Mme Albright a dit dans la conférence de presse que le fait que l'OTAN soit le noyau de la future force de paix figurait en annexe du projet de résolution. Est-ce que cela signifie que c'est accessoire, secondaire, ou est-ce que ça forme un tout ?

R - Non. Dans la technique d'une résolution au Conseil de sécurité, le fait d'annexer un document à une résolution consiste au contraire à lui donner de la solennité et de l'importance. C'est un document qui vient donc en annexe de la résolution. Il y a au début un préambule aux articles de la résolution et dans le préambule il y a un article H qui rappelle les deux documents qui sont en annexe, c'est-à-dire les principes généraux pour la sortie de la crise adoptés le 6 mai. C'était la première réunion des ministres du G8 à côté de Bonn, au Petersberg, et l'autre document mis en annexe, c'est le document remis à Belgrade par le président Ahtisaari. Donc, c'est au contraire une façon de lui donner le maximum de solennité et le maximum de force opérationnelle.

 

Q - Mais le mot OTAN figure-t-il dans la résolution en tant que telle ?

R - Je ne sais pas si on peut -excusez moi la parenthèse technique - je ne sais pas si on peut donner les textes. Non, pas encore, non, pas à ce stade. Le texte exact sera donné à New-York. Je dois respecter les procédures.

 

Q - Est-ce qu'aujourd'hui à l'heure qu'il est il ne fait aucun doute que l'OTAN constituera le noyau dur de la force de paix au Kosovo ?

R - L'accord qui a eu lieu aujourd'hui entre les Occidentaux et les Russes démontre qu'il y a un agrément complet sur l'ensemble des mécanismes de la solution, y compris la force. Maintenant après le vote de la résolution, il y a un certain nombre de points qui seront à confirmer et à préciser sur l'ajustement des rôles des uns et des autres. Mais le cap de l'acceptation de ce principe est franchi.

 

Q - Pourtant Mme Albright a dit qu'il y aura un commandement OTAN, et M. Ivanov a dit lui que c'est que ce n'était pas encore réglé et que c'était à discuter à New-York, qu'en est-il ?

R - Le fait qu'il y ait un commandement, une chaîne de commandement OTAN et une force dont le coeur sera l'OTAN comme nous l'avons dit à chaque fois, est quelque chose qui est maintenant admis. Ce qui reste à discuter, ce sont les modalités exactes de la participation russe et les conditions exactes, éventuellement un peu particulières, de la participation russe.

 

Q - Les Russes ne sont pas revenus sur l'idée d'avoir un secteur précis pour le déploiement de la troupe ?

R - Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu à propos de ce problème de secteur. Quand il faut remplir des tâches aussi difficiles que celle qui va être confiée à la Kfor, il faut d'une certaine façon répartir les tâches sur le territoire du Kosovo. Mais nous avons bien pris garde à chaque étape de la discussion et nous ferons encore attention jusqu'à la fin à ce que cette répartition des tâches ne devienne pas une répartition par secteur, encore moins par zone, et en tout cas que cela ne conduise pas à des politiques autonomes qui seraient différentes à un endroit et à un autre dans le Kosovo. Il est bien clair que le mécanisme mis en oeuvre doit aboutir à une approche unique des questions du Kosovo, avec une parfaite coordination et une seule conception d'ensemble. Donc il n'y aura pas deux politiques par rapport aux réfugiés. Il n'y aura pas plusieurs politiques par rapport à la question de la mise en oeuvre de cette situation d'autonomie et ensuite par rapport à la préparation de l'installation des nouvelles institutions. Il y aura une seule politique pour le Kosovo. Maintenant, dans le cadre de la force, il y aura une répartition des uns et des autres dans des montages et des combinaisons à trouver. C'est un problème à la fois militaire et technique qui pourra être bouclé quand l'ensemble des pays, qui sont en mesure de fournir des forces, auront précisé exactement ce qu'ils peuvent apporter. Mais il faut bien distinguer les deux choses. J'insiste : une discussion technique pour la répartition des tâches et l'organisation sur le terrain, ça n'a pas de rapport avec des coupures en zones ou des coupures en secteurs. Il y aura un seul et unique Kosovo.

 

Q - Et en aucun cas toutes ces discussions militaires sur la composition, la chaîne de commandement, la répartition des tâches ne se discutent avec les militaires yougoslaves autour de la question du retrait ?

R - Non. Ce qui se discute avec des militaires yougoslaves, ce sont les conditions de la mise en oeuvre du retrait, dont le principe a été accepté à travers le document Ahtisaari, tout cela étant reconfirmé et solennisé par cette résolution qui reprend tous les aspects de la solution, qui est le texte d'ensemble, qui est le texte générique par rapport à cela. Donc les discussions, elles sont techniques, elles portent sur les modalités, sur le calendrier, sur les cheminements, sur le déminage, sur des questions de ce type. Il n'y a pas de renégociation à ce niveau, il n'y a pas de réouverture des négociations, certainement pas. Il n'y a pas de renégociation, encore moins maintenant qu'avant, des principes généraux du règlement.

 

Q - Vous avez déclaré hier soir à l'issue de ces huit heures de négociations qu'il pouvait toujours y avoir des reculades, des hésitations, des retards, des lenteurs, est-ce que malgré cet accord sur le projet de résolution, avec les Russes notamment, vous craignez encore de tels retards ou de telles hésitations sur les discussions à venir ?

R - Là, quand je vous parlais hier soir précisément, je devais tenir compte d'éventuels problèmes qui auraient pu surgir pendant la nuit, pendant ces quelques heures que nous avions dû nous donner pour vérifier les dispositions de l'accord que nous étions en train de boucler. Aujourd'hui je peux être beaucoup plus sûr de la suite. Alors naturellement, il faut maintenant voter la résolution, il faut achever la négociation militaire-technique sur les conditions du retrait. Il faut achever de préparer le début de l'entrée de la Kfor. Il faudra que soit mis en oeuvre et précisément observé le début du retrait des forces serbes puis la suite, puis la fin du retrait par la suite. C'est par rapport à cela que nous avons eu des discussions, d'ailleurs compliquées, puisque les conditions que pesaient les uns et les autres n'étaient pas les mêmes et que la chronologie n'était jamais la même et que par conséquent nous n'arrivions pas à enclencher la fameuse séquence de la mise en oeuvre. Et c'est pour cela qu'hier, j'ai proposé une approche aboutissant à une quasi-simultanéité en tout cas à une synchronisation très étroite de tous ces éléments pour que les revendications fondamentales - non pas des autorités yougoslaves, avec lesquelles je le répète nous n'avons pas renégocié, mais des participants au G8 - puissent se trouver satisfaites dans cet enchaînement. Ce qui fait que dans les heures et les jours qui viennent maintenant, il s'agit d'aboutir à l'adoption la plus rapide possible par le Conseil de sécurité de la résolution. Il y a une procédure à suivre, même si nous souhaitons qu'elle soit accélérée, mais en même temps, il faut avoir mené à leur terme les préparatifs des autres décisions clés que j'ai rappelées.

 

Q - Il n'y a pas de préalable ?

R - Non, il n'y a pas de préalable puisque justement nous avons dépassé les questions de préalable à travers une synchronisation qui aboutira à ce que les choses se passent à peu près en même temps. Et c'est comme ça que nous sommes sortis de l'impasse sur les préalables, puisque les préalables posés par les uns et par les autres n'étaient pas les mêmes. Donc nous arriverons à une solution qui va combiner l'achèvement de l'accord militaire de retrait, l'achèvement de la préparation du vote de la résolution, le début du retrait, les préparatifs d'entrée de la Kfor et la décision de suspension.

 

Q - Et si l'accord militaire de retrait patine ?

R - L'accord militaire de retrait ne devrait plus patiner dès lors que nous avons passé cet accord ici, puisque ce qu'il y avait dans les raisons de retard à propos de l'accord militaire ce sont d'une part quelques discussions techniques, qu'on peut admettre et qui sont tout à fait solubles à ce niveau là de négociation, d'autre part une ambiguïté par rapport à ce qui avait été accepté ou pas dans le document qui avait été remis par le président Ahtisaari. Cette ambiguïté disparaît complètement, elle n'est plus invocable. Elle ne peut plus être utilisée pour quelque retard que ce soit à partir du moment où l'accord a été fait au niveau au-dessus, c'est-à-dire les pays du G8 et ensuite le Conseil de sécurité et ensuite l'adoption de la résolution. Et l'adoption de la résolution, qui est maintenant à portée de la main devrait achever de débloquer les problèmes sur lesquels on avait pu buter.

 

Q - L'adoption interviendra-t-elle cette nuit ?

R - Je ne veux pas fixer de date parce que je veux respecter le rôle des différents membres du Conseil de sécurité et notamment de la Chine. Je rappelle que le Président Ahtisaari est en ce moment à Pékin où il a des entretiens avec les autorités chinoises. Vous voyez que tous nos efforts, tous les efforts de toutes les diplomaties, tous les efforts de ce que l'on appelle parfois à tort, mais l'expression est vraie aujourd'hui, la communauté internationale, convergent vers ce seul et même objectif. Nous allons avancer. Maintenant il faut, à chaque fois qu'on franchit une étape décisive - c'était le cas la semaine dernière, c'est encore le cas ce matin - il faut ne pas perdre de temps et concrétiser chaque élément. Donc la suite, je le répète, c'est : transmission au Conseil de sécurité, et dès que c'est possible vote, mais il faut que ce vote coïncide avec les autres éléments ayant eux-mêmes été portés chacun à maturation, et chaque responsable est entièrement mobilisé dans cette fin.

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